vendredi 12 novembre 2010

Eloge du Maquillage

Bonsoir-bonsoir, 
Au risque de paraitre un peu pompeuse après tant de "futilités",  je voudrais vous faire (re)découvrir un extrait du Peintre De La Vie Moderne de Baudelaire, que j'ai récemment eu besoin de relire : Eloge Du Maquillage.
 
Mais pourquoi me direz-vous?

Eh bien parce que dans ma nouvelle quête, après s'être appesantie sur une approche pratique et parfois triviale du "make up" (ex: je-suis-au-taquet-j'ai-eu-la-dernière-palette-Urban-Decay-pour-mon-anniv': mouais...et après?), j'ai eu envie de revenir à un regard plus distancié sur la chose, et de le partager.

Un peu comme lorsque les maquilleurs se redressent pour voir le résultat de leur ouvrage dans le miroir.
« (...) Il importe fort peu que la ruse et l’artifice soient connus de tous, si le succès en est certain et l’effet toujours irrésistible. C’est dans ces considérations que l’artiste philosophe trouvera facilement la légitimation de toutes les pratiques employées dans tous les temps par les femmes pour consolider et diviniser, pour ainsi dire, leur fragile beauté. L’énumération en serait innombrable; mais, pour nous restreindre à ce que notre temps appelle vulgairement maquillage, qui ne voit que l’usage de la poudre de riz, si niaisement anathématisé par les philosophes candides, a pour but et pour résultat de faire disparaître du teint toutes les taches que la nature y a outrageusement semées, et de créer une unité abstraite dans le grain et la couleur de la peau, laquelle unité, comme celle produite par le maillot, rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est-à-dire d’un être divin et supérieur? Quant au noir artificiel qui cerne l’œil et au rouge qui marque la partie supérieure de la joue, bien que l’usage en soit tiré du même principe, du besoin de surpasser la nature, le résultat est fait pour satisfaire à un besoin tout opposé. Le rouge et le noir représentent la vie, une vie surnaturelle et excessive; ce cadre noir rend le regard plus profond et plus singulier, donne à l’œil une apparence plus décidée de fenêtre ouverte sur l’infini; le rouge, qui enflamme la pommette, augmente encore la clarté de la prunelle et ajoute à un beau visage féminin la passion mystérieuse de la prêtresse.
   Ainsi, si je suis bien compris, la peinture du visage ne doit pas être employées dans le but vulgaire, inavouable, d’imiter la belle nature, et de rivaliser avec la jeunesse. On a d’ailleurs observé que l’artifice n’embellissait pas la laideur et ne pouvait servir que la beauté. Qui oserait assigner à l’art la fonction stérile d’imiter la nature? Le maquillage n’a pas à se cacher, à éviter de se laisser deviner; il peut, au contraire, s’étaler, sinon avec affectation, au moins avec une espèce de candeur.(...)"
                                                                                                                  Charles Baudelaire

Portrait de Jeanne Duval (par le poète lui-même), maitresse et muse de Baudelaire.

Alors? Ces quelques mots venus tout droit du XIXe parlent-ils aux femmes du XXIe que vous êtes?
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2 commentaires:

  1. "le rouge et le noir représentent la vie; une vie surnaturelle et excessive". Ce que j'aime chez Baudelaire c'est qu'il a un regard de peintre. Il voit les choses dans leur beauté immédiate; la beauté de la chair dans ce qu'elle a d'ensorcelant, sans faux idéal en ce qui concerne ce très beau texte. Ne pas réduire la femme à un être vulgaire, ni l'enfermer dans un idéal purement intellectuel et candide; mais la voir dans sa complexité pas dupe de ses charmes mais sachant les apprécier et se laisser charmer.

    Merci pour cette parenthèse poétique, ce texte me parle effectivement. Requestionner son rapport au maquillage, même si je ne suis pas "une make-up addict" (pauvreté; âpreté de la formule! nous sommes loin de la "passion mystérieuse de la prêtresse") c'est aussi se demander pourquoi je met tous les matins ce qui s'apparente à un masque qui finalement ne fait que camoufler ce que je refuse de voir mais ne me donne pas l'allure que loue avec tant d'admiration Baudelaire.

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  2. Oui, je suis d'accord avec toi! Baudelaire avait tout d'un peintre, et c'est ce qui rend sa poésie si vive, et son regard si juste sur l'artifice en question: "une vie surnaturelle et excessive"...
    Le maquillage ne serait pas un masque mais un superlatif.
    Après, il faut dire ce qui est: ça reste un point de vue très masculin aussi. Lorsqu'on lit l'intégralité du texte, on sentirait presque poindre le macho...

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